Wednesday, October 29, 2014

Le demon sort de l'enfer



"J'ai regardé avec plaisir pendant que vos rois et vos reines se sont battus durant des siècles pour les dieux qu'ils ont fait. J'ai crié "Qui a tué les Kennedy" alors qu'après tout, c'était vous et moi"

Donc, l'histoire se répète encore.. En 1968, au moment d'enregistrer "Sympathy for the Devil" la strophe se lisait "Qui a tué Kennedy?" et est devenue plurielle le 6 juin 1968, quand les Rolling Stones ont appris l'assassinat du deuxième Kennedy, Robert. Quant à l'autre chanson qui a inspiré cette histoire, "Le Démon Sort de l'Enfer" de la Bottine Souriante, je l'ai entendu pour la première fois lors d'un concert de musique québecoise qui a été remis mais qui aurait du se dérouler à New York, un certain 11 septembre 2001.

Alors que j'illustrait la même strophe, ce qui s'est passé à Ottawa est arrivé; un québecois s'est fait Ben Laden à cinq cennes et a tué un soldat à Ottawa.

Le Canada a été blessé mais la vague de pathos populaire, même au Canada anglais, n'a rien de comparable a ce qui s'est passé aux États-Unis après le 11 septembre, pour deux raisons;

1) Le Canada, c'est pas les Etats-Unis. Le Canada, c'est un maigre 34 millions d'habitants sur le deuxième plus grand territoire du monde. Tout ce monde-là ne se visite pas très souvent et on a d'avantage tendance à s'identifier comme Albertain, Québecois, Terre-Neuvien, Acadien ou amérindien avant de se dire Canadien. Ce qui n'aide pas, c'est que presque toutes les institutions fédérales sont des legs de l'empire britannique comme la reine (beurk!) le Sénat (re-beurk!) et même notre armée, dont les régiments ont toujours des noms britanniques, plutôt que des institutions que les canadiens ont créés eux-mêmes. Même si on connait très bien la situation tendue entre les québecois et Ottawa, à peu près toutes les autres provinces et ethnies voient encore, en quelque sorte, le gouvernement d'Ottawa comme un gouvernement colonial.

2) On nous a dejà servi ça! Après le 11 septembre, on nous servait du patriotisme américain à toutes les sauces et soudainement, il fallait être républicain pour être patriote. Dans ce contexte, même si je ne crois pas aux théories du complot mais je vois bien la façon dont les partis au pouvoir exploitent sans vergogne ces évènements-là. Je comprends beaucoup de gens qui se croient pris entre deux prêt-à-penser: soit les jihadistes sont à nos portes et seul le brave Harper peut nous sauver, soit le gouvernement est le diable en personne et a planifié le coup pour tous nous asservir. Je crois ni l'un ni l'autre mais internet aime pas ce qui n'est ni extrème ni manichéen.

La "perte d'innocence"...

Les médias américains ont beaucoup parlé de perte d'innocence du Canada. Pas vrai! Comprennez nous bien, amerlos, nous avons toujours su que quelqu'un pouvait prendre une arme et tuer quelqu'un d'autre, à Ottawa ou ailleurs. La  différence, c'est que nous en faisons pas une raison pour vivre en cage!

C'est seulement parce que les américains s'intéressent peu au Canada qu'ils le croient innocent. Vu de l'intérieur, quand est-ce que le Canada l'a perdu, cette innocence?

Est ce que c'était quand le FLQ a kidnappé Pierre Laporte et James Cross, et que Trudeau a lâché l'armée sur Montréal? Que des syndicalistes et des artistes ont été arrêtés à cause de la loi sur les messures de guerre?
Était-ce lors de la crise d'Oka, quand on a envoyé l'armée combattre les mohawks pour un minable terrain de golf?
Était-ce quand Marc Lépine est entré à l'école polytechnique et en a tué non pas un, ou deux mais quatorze?
Était ce quand on a su que Robert Pickton faisait disparaître en douce les prostituées des bas fonds de Vancouver pour en jeter les restes parmi les porcs?

À moins que ce soit quand des gens comme le général Dallaire nous out dit sans mentir toute la vérité sur les fossés plein de cadavres en décomposition qui sont laissés dans les pays pauvres quand les riches se font la guerre et aussi sur les blessures invisibles que nos soldats ramènent de là-bas...

Une autre chose particulière au Canada, c'est qu'entre le Commonwealth et la Francophonie, on a une famille élargie assez importante. Donc, en plus de recevoir une immigration latinoaméricaine (on est sur le même continent, après tout), on recoit des immigrants francophones d'endroits comme le Maghred ou le Congo, des immigrants anglophones d'endroits comme l'Inde ou le Pakistan. Ces gens-là vont dans nos universités, travaillent parmi nous et si on leur prête oreille et qu'on les laisse parler, un découvre une façette de la guerre qu'on ne nous montre pas à CNN.

Si je peut vous conter une anecdote, en 2004, à l'Université de Moncton, J'avait un voisin de chambre. Le nom de Dallaire n'était pas encore connu partout au pays et le génocide au Rwanda était encore un de ces évènements de l'histoire sur lequel je ne connaîssait rien. Par contre, mon voisin de chambre connaissait...il était originaire du Rwanda! Je n'ai pas posé trop de questions, mais une des manches de son manteau pendouillait toujours, vide, et l'autre main était une prothèse de plastique. Il y'avait aussi des marques de brûlures sur son visage. Je ne connaissait pas son âge exact mais on avait à peu près le même âge et moi j'avait huit ans en 1994...

Donc, qui est le plus innocent? Celui qui s'en fout si un pétard éclate dans sa cour, ou celui qui ignore tout du bain de sang qui se passe chez son voisin?

Dallaire lui-même est en faveur d'une intervention contre ISIL, c'est bien une des rares personnes de cette opinion que je veut croire parce que ce qu'il sait de la guerre, il ne l'a pas appris en jouant à Call of Duty (contrairement à nous). Ça, c'est le Canada que le connait. C'est le Canada que j'aime, le Canada que je dessine, le Canada ou j'ai été élevée et dans lequel je veut vivre. C'est le Canada qui sait qu'une guerre propre ou chirurgicale, ça n'existe pas. Ben oui, des fois il faut faire la guerre mais quand il le faut, il faut penser à son affaire en esti et non s'en aller faire le cowboy.

Et quand il ne peut pas empêcher le mal, le Canada que je connait offre un peu de réconfort aux victimes qui veulent refaire leur vie ici, comme un cabane bien chande dans la tempête de neige. j'ai la chance de travailler avec des immigrants musulmans et je me sens fière lorsqu'ils disent que le Canada est plus acceuillant et plus tolérant que les États-Unis ou même la France.

Le Canada sait ce que c'est que le colonialisme parce que son propre gouvernement lui rappelle a tout bout de champ qu'il est lui-même la colonie de quelqu'un d'autre. Si l'attentat à Ottawa nous donne un Patriot Act au sirop d'érable sous prétexte de sécurité nationale, si la peur fait taire les artistes et les critiques qui nous ont donné ce qu'on a de mieux, si on ferme nos frontières et nos coeurs à notre famille élargie du Commonwealth et de la Francophonie, alors on aura nous-même tué l'âme de notre pays pour sauver ce qui n'est, en fin de compte, qu'une bâtisse en pierre.