Laissez-moi vous ramener 25 ans en arrière. Entre 1989 et 1992, j'avait 4-5 ans et entre la chute de l'Union Soviétique, la crise d'Oka et la guerre du Golfe, on arrêtait pas d'interrompre mes "comiques" à Radio-Canada pour des bulletins de nouvelles en pleine fin d'après-midi! C'est juste des grands qui parlent et qui disent des mots que je comprends pas encore: "missile", "Pentagone", "Saddam Hussein", "avion furtif", "pétrole", "Golfe Persique"
Comme ça la guerre, ça se passe dans un terrain de golf?
Il y'a une chose que je comprenait: maman avait peur. Je le savait, quand je lui demandait c'était quoi tout ce cirque a la télé elle me raconte que c'est la guerre et qu'elle a peur que mes grands frères soient envoyés "loin-loin dans des avions pour faire la guerre". C'est seulement avec bien des livres lus, bien des documentaires regardés et quelques cours d'histoires que j'ai compris que LA guerre, dans la bouche de ma mère, ça veut dire le souvenir de la deuxième guerre mondiale que mes grands parents avaient vécu. C'est le souvenir de la guerre froide pour cette dame née en 52 et qui avait vu la télé des années 1960 lui parler de Kennedys, de Krouctchevs et de menace d'annihilation nucléaire.
Pour l'instant, je ne comprenait pas tout ça. Je ne savait même pas encore combien il y'avait de zéros dans le chiffre mille, seulement que ça veut dire "beaucoup-beaucoup". Ça fait a peine quelques semaines ou quelques mois qu'on m'a expliqué en regardant un film que quand quelqu'un est mort, on peut pas l'emmener à l’hôpital pour le guérir. Quand on est mort, il n'y a plus rien à faire.
Quand on est mort, c'est la fin.
Et à la télé, Bernard Derome nous parle de "plus de mille morts"...plus que beaucoup-beaucoup de gens pour qui c'est la fin.
Beaucoup-beaucoup de gens qui ne revivront jamais.
Des années plus tard, quand on a reparlé d'aller faire la guerre à l'Iraq (et que Bush ne réussissait pas vraiment a convaincre grand monde en dehors de la Bible Belt, ça nous a donné le beau merdier actuel avec l'État Islamique), le vernis de propagande entourant la première guerre du Golfe a commencé a s'effriter. Une guerre présuppose que les ennemis sont au moins de forces comparables, que l'issue est incertain, Quand la seule hyperpuissance du monde attaque un pays du Tiers-Monde. Il agit tout simplement en brute.
Quand on a dénoncé, des années plus tard, les images à CNN qui montraient la guerre comme un immense jeu vidéo, je ne me rappelait pas de ces images. Pour moi, la guerre du Golfe, ça a toujours été "plus que beaucoup-beaucoup de morts".
Bof, ça mérite une p'tite toune, vous croyez pas?